Après une adaptation de La Mégère apprivoisée (1967), Franco
Zeffirelli transpose une seconde fois Shakespeare à l'écran avec une nouvelle
version de Roméo et Juliette. Le film
tranche alors avec les adaptations cinématographiques engoncées du dramaturge
qui prévalent encore largement. Le renouveau d'intérêt pour Shakespeare à cette
époque (la Royal Shakespeare Company crée en 1960 par Peter Hall, sort un
premier film également en 1968), tend à remettre en cause le
"monopole" de Laurence Olivier (qui jouait encore Othello en 1965). Néanmoins, Zefferilli
rend hommage au célèbre interprète du dramaturge en lui confiant la voix-off
narratrice de son Roméo et Juliette.
Pour éviter les dangers du
théâtral filmé, Zeffirelli s'appuie en effet sur deux choix radicaux de mise en
scène. Tout d'abord, le réalisateur aère la pièce en tournant non pas en studio
mais dans des décors naturels, dans les rues et dans les palais de Pienza, de
Sienne... Ensuite, il fait appel à de jeunes comédiens pour interpréter le
fameux couple d'amoureux: la candeur de ces visages neufs et adolescents (les
comédiens sont âgés de 16 et 17 ans) apporte à la tragique romance une grâce
évidente. On est donc loin de la version hollywoodienne réalisée par George
Cukor en 1935 et où Roméo était interprété par un Leslie Howard quarantenaire.
Cette nouvelle version de Roméo et Juliette, histoire d'une
victoire de l'Amour sur la Haine, semble tout à fait trouver sa place dans le
cinéma de l'époque (le film est sorti en 1968, rappelons le et fut un grand
succès). Ici, Roméo a des airs du chanteur flower power Donovan[1]
(qui collaborera avec Zeffirelli sur son film suivant, François et le chemin du Soleil) alors que Juliette, interprétée
par une actrice d'origine sud-américaine, nous fait penser à la chanteuse folk
Joan Baez. Une scène de nue choqua le public le de l'époque (en raison de l'âge
des acteurs) mais s'inscrit en fait dans une volonté de montrer l'amour
physique entre les jeunes, à une époque d'émancipation sexuelle.
On sent que Zeffirelli est
inspiré par son projet et signe un film lyrique (splendide et célèbre thème
composé par Nino Rota), d'une grande beauté visuelle (costumes, couleurs) et
avec du souffle (scènes de duels enjoués). On n'est donc pas étonner de
découvrir le fort intérêt du cinéaste pour l'opéra.
16.07.13.
[1] Selon
l'autobiographie de Zeffirelli, le réalisateur avait pensé confier à l'origine
le rôle à Paul McCartney.