mercredi 16 juillet 2008

Le Silencieux (1972) de Claude Pinoteau


        Assistant réalisateur depuis les années 50 pour de talentueux metteurs en scène français[1], Claude Pinoteau, après quelques courts-métrages, réalise en 1972 son premier long métrage, Le Silencieux, un film d’espionnage avec Lino Ventura.


        Le Silencieux sort un an avant Scorpio de Michael Winner et Le Piège de John Huston. Il fait partie de ces films d’espionnage avec fond de guerre froide qui fleurissent suite au succès de L’Espion qui venait du froid (1965) de Martin Ritt. Comme Le Serpent d’Henri Verneuil qui sortira l’année suivante, le film emploie quelques vedettes étrangères. On y trouve ainsi dans des seconds rôles d’agents du MI5, deux acteurs anglais : Leo Genn[2] [le Pétrone de Quo Vadis (1951) de Mervyn LeRoy] et Robert Hardy (qui jouait dans L’Espion qui venait du froid).
        Même si le personnage principal n’est pas un espion, le film baigne dans l’ambiance du film d’espionnage. Ici, il est question d’un physicien d’une délégation scientifique soviétique en visite en Grande-Bretagne qui est enlevé lors d’un faux accident de la route. L'homme est en fait un savant français qui fut forcé plusieurs années auparavant de travailler pour les Soviétiques. Contraint par les services de la Military Intelligence, il dénonce deux agents doubles. Libéré sous une autre identité, il est dès lors traqué par le KGB…

        Adapté d’un roman de Francis Ryck (Drôle de pistolet), Le Silencieux joue sur la paranoïa d’un KGB omniprésent et tout puissant. Clément, le savant interprété par Ventura, tentera de s’enfuir en partant pour la France, puis la Suisse. Il finira par se retrouver en montagne, en pleine nature, seul avec un chien. Même au milieu de nulle part, il sera rattrapé.

        Pinoteau, influencé par Hitchcock et ses deux films d’espionnage (Le rideau déchiré de 1966 et L’Etau de 1969), fait même référence à L’Homme qui en savait trop (1956) avec la scène du concert symphonique de Genève. Il signe ici une réalisation efficace, nerveuse, très elliptique. Il nous donne quelques scènes obligatoires du genre, comme un interrogatoire basé sur le chantage ou encore une impressionnante poursuite en voiture sur l’autoroute. Mais il échoue un peu en rajoutant des scènes intimes où Clément retrouve sa femme (Léa Massari) qui l’a désormais quitté. En effet, cette histoire de famille ralentit le rythme oppressant de l’action et n’apporte pas grand-chose.


        Porté par un excellent Ventura, parfait en héros cynique et taciturne, Le Silencieux est un bon film d’espionnage, pas forcément brillant et très original, mais bien ficelé.
Après le succès du Silencieux, Claude Pinoteau se tournera vers la comédie avec son film suivant, La Gifle (1974), toujours interprété par Lino Ventura et scénarisé par Jean-Loup Dabadie. La collaboration du trio se poursuivra encore avec La 7ème cible (1984). Pinoteau dirigera aussi seul Ventura dans L'Homme en colère (1979).

16.07.08.




[1] Il a collaboré avec Philippe de Broca [Les Tribulations d’un Chinois en Chine (1965)], René Clément [Le Jour et l’Heure (1963)], Jean Cocteau [Orphée (1950)], Gilles Grangier [L’Amant de paille (1951)], Claude Lelouch [Le Voyou (1970) et L’Aventure, c’est l’Aventure (1972)], Max Ophuls [Lola Montès (1955)], Jean-Pierre Melville [Les Enfants terribles (1950)] ou encore Henri Verneuil [Les Amants du Tage (1955), Un Singe en hiver (1962), Mélodie en sous-sol (1963), Cent Mille Dollars au Soleil (1964), La Vingt-cinquième Heure (1967), La Bataille de San Sebastian (1968)]. Il a été aussi assistant réalisateur sur quelques films de son frère Jacques [Ils étaient cinq (1951), Le Grand Pavois (1954) et Le Triporteur (1957)].
[2] On retrouvera Leo Genn dans Le Piège (1973) de John Huston.