Après le succès d’Une Histoire d’un Amour (1932) et d’Une Nuit seulement (1933), John Stahl poursuit dans la veine du mélodrame en réalisant Images de la Vie (1934), Le Secret magnifique (1935) et, plus tard, Veillée d’Amour (1939). Vingt ans après, la Universal se repenchera sur ces trois films. C’est ainsi que Douglas Sirk tournera en couleurs trois remakes des films de Stahl: Le Secret magnifique (1954), Les Amants de Salzbourg (1957) et Mirage de la Vie (1959). Le premier de la série, Le Secret magnifique, contrairement aux autres à venir, ne frappe pas par ses réalités sociales mais par sa morale religieuse, profondément chrétienne.
L’histoire du Secret magnifique est totalement invraisemblable. Bob Merrick, un riche héritier cause indirectement la mort d’un homme : sa vie est sauvée après un accident de bateau grâce à un appareil respiratoire dont le propriétaire, le docteur Phillips, un éminent chirurgien, aurait eu besoin, celui-ci succombant au même moment à un arrêt cardiaque. S’éprenant de sa veuve, Bob Merrick provoque encore indirectement un accident qui la rendra aveugle. Dès lors, il fera tout pour essayer de la sauver…
Le Secret magnifique tourne autour de la thématique de la cécité. Coureur de femmes et insolent, fils à papa n’hésitant à toujours sortir son carnet de chèques, Bob Merrick est un play-boy muré dans son égoïsme. C’est paradoxalement la cécité d’Helen Phillips qui lui ouvrira les yeux sur la vie, l’amour et le bonheur. Quant à Helen, son handicap ne l’empêchera pas de voir et de comprendre la sincérité de l’amour que lui portera Bob Merrick[1].
Ayant déjà abordé ce thème avec le personnage de la mère aveugle dans Jenny femme marquée (1949), Sirk, qui finira par pratiquement perdre la vue à la fin de sa vie, trouve donc dans Le Secret magnifique un sujet qui l’obsède.
Ce retour vers la clarté ne fait que souligner la rédemption du personnage qui rejette alors tout orgueil. En effet, écrit en 1929 par Lloyd C. Douglas[2], un pasteur écrivain à ses heures, Le Secret magnifique est empreint d’une morale religieuse, très chrétienne. Le secret magnifique, doctrine du généreux docteur, n’est autre que celui de « consacrer sa vie au service de son prochain et sans rien attendre en retour pour sa propre personne » comme l’explique si bien son ami Randolph. « Un homme a été crucifié pour cela » ajoutera-t-il.
Le caractère religieux est perceptible dans les deux films mais, étonnamment, dans des détails différents. Dans la première version, lorsque Bob Merrick, ivre et dans un grand moment de déchéance, voit sa voiture tomber dans un trou (encore un accident !), il se retrouve devant un cimetière et profère quelques blasphèmes. C’est pourtant un lieu qui pourrait l’attendre suite à une colère divine. Voulant chercher de l’aide, il atteint la maison de Randolph. L’ami du docteur Phillips fait des sculptures religieuses et va mettre une bible entre les mains de Bob.
Dans la seconde version, Randolph n’est plus sculpteur, mais peintre et ses œuvres sont toujours d’ordre religieux. Mais surtout, le côté ange gardien du personnage est renforcé à la fin lorsqu’il soutient Bob Merrick lors de l’opération d’Helen Phillips. Assistant à la scène depuis une vitre en hauteur, il conforte Bob dans ses gestes, tel un Dieu protecteur des hommes. Notons aussi que la musique de chœurs souligne une fois de plus cet aspect religieux.
La comparaison des deux films paraît donc inévitable. Dans une version comme dans l’autre, l’interprétation est parfaite. Pour le film de 1935, Stahl retrouve Irene Dunne, l’actrice de l’Histoire d’un amour (1932). Elle jouera plus tard dans sa Veillée d’Amour (1939). Robert Taylor, lui, est encore un jeune premier. Il connaitra enfin le succès deux ans après, avec Le Roman de Marguerite Gautier de George Cukor, aux côtés de Greta Garbo.
Dans la version de Sirk, le couple est formé par Rock Hudson et Jane Wyman. Hudson avait lui déjà joué dans deux films de Sirk : la comédie Qui donc a vu ma belle ? (1952) et le western Taza, fils de Cochise (1954).
La mise en scène de Sirk et son style sont probablement plus intéressants à étudier que ceux de Stahl. Selon Sirk, Le Secret magnifique serait le premier mélodrame dans lequel il a pu en toute liberté exprimer sa conception du genre. Dans son Secret magnifique, Sirk transcende et intensifie le réel grâce à une stylisation extrême des couleurs. Il semble ainsi vouloir montrer la magnifique beauté du monde que manquent les aveugles, beauté qui rejoint d’ailleurs celle des sentiments. Avec ces décors peints, ce technicolor flamboyant et cet univers aseptisé de riches milliardaires, Sirk assume donc pleinement l’artificialité du genre mais il le fait par souci d’épure, dans le but de se centrer plus précisément sur les sentiments.
Avec Sirk, la vie est plus belle au cinéma et le spectateur doit l’accepter s’il veut pleinement adhérer à ses films. Sa mise en scène est donc bien plus spectaculaire (on nous montre l’accident en bateau de Bob Merrick) et plus virtuose que celle de Stahl. Sirk privilégie les gracieux mouvements de caméra et la musique symphonique, complétée par de la musique classique (Chopin, Beethoven, Strauss).
Alors que le film de Stahl est plus classique et peut-être plus religieux, celui de Sirk paraît sûrement plus éblouissant, plus abouti visuellement et stylistiquement. Mais quelle que soit sa version, Le Secret magnifique reste un poignant mélodrame, profondément émouvant.
L’histoire du Secret magnifique est totalement invraisemblable. Bob Merrick, un riche héritier cause indirectement la mort d’un homme : sa vie est sauvée après un accident de bateau grâce à un appareil respiratoire dont le propriétaire, le docteur Phillips, un éminent chirurgien, aurait eu besoin, celui-ci succombant au même moment à un arrêt cardiaque. S’éprenant de sa veuve, Bob Merrick provoque encore indirectement un accident qui la rendra aveugle. Dès lors, il fera tout pour essayer de la sauver…
Le Secret magnifique tourne autour de la thématique de la cécité. Coureur de femmes et insolent, fils à papa n’hésitant à toujours sortir son carnet de chèques, Bob Merrick est un play-boy muré dans son égoïsme. C’est paradoxalement la cécité d’Helen Phillips qui lui ouvrira les yeux sur la vie, l’amour et le bonheur. Quant à Helen, son handicap ne l’empêchera pas de voir et de comprendre la sincérité de l’amour que lui portera Bob Merrick[1].
Ayant déjà abordé ce thème avec le personnage de la mère aveugle dans Jenny femme marquée (1949), Sirk, qui finira par pratiquement perdre la vue à la fin de sa vie, trouve donc dans Le Secret magnifique un sujet qui l’obsède.
Ce retour vers la clarté ne fait que souligner la rédemption du personnage qui rejette alors tout orgueil. En effet, écrit en 1929 par Lloyd C. Douglas[2], un pasteur écrivain à ses heures, Le Secret magnifique est empreint d’une morale religieuse, très chrétienne. Le secret magnifique, doctrine du généreux docteur, n’est autre que celui de « consacrer sa vie au service de son prochain et sans rien attendre en retour pour sa propre personne » comme l’explique si bien son ami Randolph. « Un homme a été crucifié pour cela » ajoutera-t-il.
Le caractère religieux est perceptible dans les deux films mais, étonnamment, dans des détails différents. Dans la première version, lorsque Bob Merrick, ivre et dans un grand moment de déchéance, voit sa voiture tomber dans un trou (encore un accident !), il se retrouve devant un cimetière et profère quelques blasphèmes. C’est pourtant un lieu qui pourrait l’attendre suite à une colère divine. Voulant chercher de l’aide, il atteint la maison de Randolph. L’ami du docteur Phillips fait des sculptures religieuses et va mettre une bible entre les mains de Bob.
Dans la seconde version, Randolph n’est plus sculpteur, mais peintre et ses œuvres sont toujours d’ordre religieux. Mais surtout, le côté ange gardien du personnage est renforcé à la fin lorsqu’il soutient Bob Merrick lors de l’opération d’Helen Phillips. Assistant à la scène depuis une vitre en hauteur, il conforte Bob dans ses gestes, tel un Dieu protecteur des hommes. Notons aussi que la musique de chœurs souligne une fois de plus cet aspect religieux.
La comparaison des deux films paraît donc inévitable. Dans une version comme dans l’autre, l’interprétation est parfaite. Pour le film de 1935, Stahl retrouve Irene Dunne, l’actrice de l’Histoire d’un amour (1932). Elle jouera plus tard dans sa Veillée d’Amour (1939). Robert Taylor, lui, est encore un jeune premier. Il connaitra enfin le succès deux ans après, avec Le Roman de Marguerite Gautier de George Cukor, aux côtés de Greta Garbo.
Dans la version de Sirk, le couple est formé par Rock Hudson et Jane Wyman. Hudson avait lui déjà joué dans deux films de Sirk : la comédie Qui donc a vu ma belle ? (1952) et le western Taza, fils de Cochise (1954).
La mise en scène de Sirk et son style sont probablement plus intéressants à étudier que ceux de Stahl. Selon Sirk, Le Secret magnifique serait le premier mélodrame dans lequel il a pu en toute liberté exprimer sa conception du genre. Dans son Secret magnifique, Sirk transcende et intensifie le réel grâce à une stylisation extrême des couleurs. Il semble ainsi vouloir montrer la magnifique beauté du monde que manquent les aveugles, beauté qui rejoint d’ailleurs celle des sentiments. Avec ces décors peints, ce technicolor flamboyant et cet univers aseptisé de riches milliardaires, Sirk assume donc pleinement l’artificialité du genre mais il le fait par souci d’épure, dans le but de se centrer plus précisément sur les sentiments.
Avec Sirk, la vie est plus belle au cinéma et le spectateur doit l’accepter s’il veut pleinement adhérer à ses films. Sa mise en scène est donc bien plus spectaculaire (on nous montre l’accident en bateau de Bob Merrick) et plus virtuose que celle de Stahl. Sirk privilégie les gracieux mouvements de caméra et la musique symphonique, complétée par de la musique classique (Chopin, Beethoven, Strauss).
Alors que le film de Stahl est plus classique et peut-être plus religieux, celui de Sirk paraît sûrement plus éblouissant, plus abouti visuellement et stylistiquement. Mais quelle que soit sa version, Le Secret magnifique reste un poignant mélodrame, profondément émouvant.
19.07.08.
[1] La clairvoyance des aveugles est une thématique fréquente dans le cinéma hollywoodien [cf. La Fiancée de Frankenstein (1935) de James Whale ou encore La Maison dans l’Ombre (1951) de Nicholas Ray].
[2] Lloyd Douglas (1877-1951) est l’auteur de best-sellers tels que La Tunique (1942), adapté en 1953 par Alfred Newman, ou Simon le pêcheur (1948), adapté en 1959 par Frank Borzage. Il donna aussi une suite au Secret magnifique avec Doctor Hudson’s secret journal (1939).