Reporter pour Paris Match et soldat caméraman pendant la guerre d’Indochine, Pierre Schoendoerffer a avant tout exercé une carrière de journaliste. Son premier film d’ailleurs, La Passe du Diable (1956), cosigné avec Jacques Dupont, était déjà un documentaire romancé sur l’Afghanistan. Après La 317ème Section (1964), film de guerre encore très réaliste, il n’est donc pas étonnant que Schoendoerffer aille tourner La Section Anderson, un documentaire destiné à la télévision, financé et diffusé par la fameuse émission Cinq Colonnes à Une.
En 1967, Pierre Schoendoerffer part donc pour le Sud du Vietnam, dans un des secteurs les plus dangereux du pays. Il va suivre, caméra à l’épaule, trente trois hommes d’une division de cavalerie américaine, commandée par le lieutenant Joe Anderson, un jeune noir de vingt-quatre ans issu de West Point. Progressivement, les multiples visages nous deviennent presque tous familiers.
Refusant toute politisation, Schoendoerffer préfère nous montrer le quotidien des soldats. On les voit ainsi assister à une messe en plein air, entonner des chants religieux rivalisant avec le pilonnage de l’artillerie, profiter d’une permission pour aller au bordel ou encore s’amuser en groupe en fumant et riant autour d’un magazine Play boy.
Le combat nous est présenté avec une extraordinaire sobriété : l’ennemi parait invisible, les marches sont longues, les fausses alarmes nombreuses. Les accrochages sont rapides, nerveux et on entend siffler le crépitement des balles. Les officiers agissent avec calme et rigueur en même temps que les blessés se vident de leur sang. Les bruits des hélicoptères sont assourdissants. Pas d’héroïsme donc, pas de lyrisme : juste une vérité toute nue, rythmée par un stressant battement de cœur qui constitue la seule musique du film.
Fort et rude, La Section Anderson marqua beaucoup les Américains si bien que le film finit par remporter l’oscar du meilleur documentaire de l’année 1968 et, ce ne fut pas le cas en France, il bénéficia aux Etats-Unis d’une sortie en salles.
Vingt ans après La Section Anderson, Schoendoerffer décida de retrouver les anciens membres de la patrouille. On constate avec amusement le destin et la trajectoire de chacun : l’un a épousé la fiancée de son meilleur ami, mort à la guerre, un autre a décidé de vivre reclus en pleine nature. Tous semblent avoir été marqués par cette guerre comme le prouvent bien ces flashs qui ponctuent le film. Alors qu’un vétéran nous avoue avoir peur à chaque fois qu’il se promène dans la forêt, qu’il ne peut plus que dormir par terre, un autre astique machinalement et dangereusement sa mitraillette pendant l’interview. Mais le film reste avant tout un excellent ensemble de portraits humains, toujours sensibles et compréhensifs.
Tout en conservant le regard objectif du journaliste, Schoendoerffer parvient cependant à nous rendre sympathiques les visages anonymes qu’il montre, prouvant ainsi avec ces deux films, qu’il est aussi bon documentariste que romancier ou cinéaste.
09.07.08.