Après une série d’excellents films noirs pour la Fox ou la Universal, Robert Siodmak tourne son unique film pour la MGM, laquelle, à l’occasion des 25 ans de sa création, se lance dans des productions de prestige. Passion fatale a toujours été désavoué par Siodmak, pourtant, le film, servi par une superbe distribution et plongé dans une atmosphère résolument noire, est loin d’être dénué d’intérêt.
Même si le nom de Dostoïevski n’est pas mentionné au générique, Passion fatale est de façon évidente une adaptation de son roman Le Joueur, écrit en 1866. Mais, dans une volonté de faire un condensé de l’œuvre de l’auteur russe, les scénaristes ont repris pour le personnage principal du film, le prénom de Dostoïevski lui-même, le roman étant déjà semi-autobiographique. De plus, la tentation du meurtre d’une usurière n’est pas sans rappeler Crime et châtiment.
Parti pour effectuer un long séjour à Paris, Fédor (Gregory Peck), un écrivain russe, rencontre dans le train la fascinante Pauline Ostrovski (Ava Gardner). Il décide d'interrompre son voyage initialement prévu afin de ne pas la quitter à Wiesbaden. Pauline y retrouve bientôt son père, le général Ostrovski, qu'une dévorante passion du jeu entraîne tous les soirs au casino de la ville. Le militaire, presque ruiné, est contraint d'accorder la main de sa fille au directeur du casino pour effacer ses dettes. Bien résolu à sauver Pauline de ce triste sort, Fédor tente lui aussi sa chance au jeu. Il se trouve rapidement pris par la fatale et infernale passion...
Passion fatale est avant tout une histoire sombre et malsaine sur des menteurs, tous obsédés par l’argent. Même la folie atteindra Fédor et la transformation du calme Gregory Peck en suant névrosé du jeu est particulièrement hallucinante. C’est à ce moment que Siodmak excelle le plus en instaurant une atmosphère expressionisante grâce à des cadrages impressionnants et à une photographie en noir et blanc très contrastée. Notons aussi que la reconstitution de Wiesbaden au XIXème siècle est tout à fait remarquable.
La concentration des meilleurs techniciens de la MGM et d’une bonne brochette d’acteurs (parmi lesquels, en seconds rôles, Melvyn Douglas, Walter Huston, Ethel Barrymore, Frank Morgan et Agnès Moorhead) font de Passion fatale un merveilleux film de studio.
Outre deux versions de Crime et Châtiment (celle de 1935 par Joseph Von Stenberg et celle de 1959 par Denis Sanders), Hollywood s’emparera de nouveau de Dostoïevski avec l’adaptation des Frères Karamazov par Richard Brooks en 1958, année même où la Qualité française allait aussi s’attaquer au Joueur avec le film éponyme de Claude Autant-Lara.
08.07.08.