dimanche 9 septembre 2012

Fu Chou / Vengeance (2009) de Johnnie To


            L'influence qu'exercent les films de Jean-Pierre Melville est considérable sur le cinéma français mais aussi sur le cinéma étranger. Elle s'étend même au cinéma asiatique comme le prouvent certaines œuvres de Kinji Fukasaku ou de John Woo. Pour son polar Vengeance, Johnnie To avait ainsi proposé le rôle principal à Alain Delon. Mais suite au refus de ce dernier, le réalisateur hongkongais a fait appel à une autre icône française, Johnny Hallyday[1].
 

            Notre Johnny national incarne ainsi un français qui débarque à Macao pour venger sa fille (Sylvie Testud), victime d'une triade mafieuse. Il s'appelle Costello, comme Delon dans Le Samouraï (1967), et engage un trio d'assassins locaux pour liquider les coupables. Froid et silencieux, le solitaire Costello est un ancien tueur à gages, affublé d'un feutre et d'un vieil imper, un personnage dans la droite ligne de ceux que propose le cinéma de Melville.
            Avec son histoire banale, Vengeance s'apparente à une série B qui flirte parfois avec le nanar. Le film s'ouvre directement sur l'agression de la famille de Costello pour laquelle le spectateur n'a pas eu le temps de développer une véritable affection. Mutique, Johnny Hallyday convainc parfois en vieux lion vengeur mais sombre dans le ridicule lorsqu'il s'agit pour lui d'exprimer la moindre émotion. Vengeance s'enfonce même gravement dans le grotesque lorsque Johnny-Costello prie sur une plage et voit apparaitre les fantômes de sa famille décimée. Johnny a une tête de crétin fini et cela ne s'arrange pas par la suite, surtout lorsque son personnage perd la mémoire, devenant robotique, l'ombre de lui-même. Pourquoi se venger lorsqu'on n'a plus de mémoire ? La question n'était pourtant pas idiote. 

            Comme The Killer (1989) de John Woo, autre film hongkongais inspiré par l'œuvre de Melville, Vengeance est esthétiquement plus proche du cinéma de Douglas Sirk que de celui du réalisateur du Cercle rouge. Johnnie To accumule les scènes hyper-stylisées, alternant des scènes dominées par un bleu glacial avec des séquences imprégnées d'un rouge chaud. Johnnie To se livre à un véritable exercice de style et, comme souvent dans le cinéma hongkongais, privilégie le lyrisme accentué par la musique et les ralentis.
            Vengeance regorge de bonnes idées scénaristiques et visuelles et certaines scènes sont remarquables. On se souvient plus particulièrement d'une scène de règlements de comptes de nuit dans une forêt irréaliste de studio mais aussi d'un affrontement aux allures "médiévales" dans une décharge où les gunfighters se réfugient derrières des meules de détritus alors que le vent fait virevolter les déchets. Dans une autre séquence, Costello, perdu dans une foule et sous la pluie, tente de retrouver ses alliés en faisant coïncider leurs portraits photos avec le visage des passants. Plus tard, pour aider Johnny l'amnésique, on a soigneusement mis des stickers sur la veste du méchant et inscrit son nom sur son flingue.
 

            Malgré ses qualités esthétiques et scénaristiques, le Vengeance de Johnnie To frise souvent le nanar en raison du jeu pathétique de Johnny Hallyday et du premier degré constant du film. Dommage car il y avait vraiment de bonnes idées.

 

30.08.2012.
 


[1] En 2008, Johnnie To a également émis le souhait de réaliser un remake du Cercle rouge (1970). Le projet semble être depuis tombé à l'eau.