dimanche 9 septembre 2012

The Hitch-Hiker / Le Voyage de la Peur (1953) d'Ida Lupino


            En 1949, Ida Lupino, actrice sous contrat à la Warner Bros, surnommée la "Bette Davis du pauvre", fonde avec le soutien de Collier Young, ancien patron de la Columbia et mari de la comédienne, la « Emerald » qui devient en 1950 « The Filmmakers ». Avec Dorothy Arzner, Lupino devient l'une des premières réalisatrices de l'histoire du cinéma. Lupino aborde des sujets durs et originaux: Outrage (1950) s’intéresse au destin d’une jeune fille violée; Never Fear (1950) décrit le désespoir mental d’une femme gravement malade, Hard Fast and Beautiful (1951) dénonce l’exploitation professionnelle d’une joueuse de tennis.
            Après ces projets ambitieux, elle réalise Le Voyage de la Peur (1953), qui demeure peut-être son film le plus connu. Ce film criminel, réalisé dans des décors naturels avec un petit budget, met en scène un duo d'amis sous l'emprise d'un auto-stoppeur inquiétant, un meurtrier en fuite. La figure de lauto-stoppeur  avait déjà inspiré le cauchemardesque Detour (1945) d'Edgar G. Ulmer[1]. Dans Le Voyage de la Peur, l'autostoppeur a les paupières paralysées et terrorise ses otage: ces derniers ne peuvent donc pas le surprendre lors de son sommeil à cause de son regard inflexible.
            Si Le Voyage de la Peur semble parfois flirter avec le police documentary et prétend montrer un fait réel, le film se présente surtout comme un thriller dont l'objectif est de tenir en haleine le public pendant les 70 minutes de film. Les deux otages s'avèrent deux citoyens lambda auxquels les spectateurs sont sensés s'identifier: mariés, sans problème, les deux amis, un dessinateur et un garagiste, étaient simplement partis pécher. Le physique banal de leurs interprètes, Edmond O'Brien et Frank Lovejoy, vient souligner le côté américain moyen des personnages.
            A l'inverse, le tueur inquiétant, campé par William Talman, incarne la menace pour l’Amérique et la négation des fondements de la société. On apprend ainsi qu’il a été délaissé par ses parents à sa naissance. Le tueur dénonce donc une société médiocre, too "soft", plein de bons sentiments. Il déclare être libre parce que, lui, il ne doit rien à personne alors que ses otages pourraient s'enfuir s'ils arrêtaient de dépendre l'un de l'autre. La charge critique du Voyage de la Peur, écrit par un scénariste blacklisté non crédité au générique (Daniel Mainwaring), est néanmoins balancée par la folie du personnage du tueur, véritable névrosé. 

            Original et intelligent, fauché et efficace, Le Voyage de La Peur apparaît comme un excellent film noir, une série B de qualité. 

23.08.2012.



[1]D'autres films reprendront la trame du Voyage de La Peur, le thriller sur l'auto-stoppeur menaçant. Citons parmi eux Autostop rosso sangue (1977) de Pasquale Festa Campanille, The Hitcher (1987) de Robert Harmon qui a fait l'objet d'une suite en 2003 et d'un remake en 2007 ou encore The Pass (1998) de Kurt Ross.