jeudi 1 novembre 2012

Divorzio all'italiana / Divorce à l'italienne (1962) de Pietro Germi



            Avec Le Pigeon (1958) de Mario Monicelli ou Le Fanfaron (1962) de Dino Risi, Divorce à l'italienne est souvent considéré comme un des points d'orgue de cette veine du cinéma italien que la critique a surnommé la comédie à l'italienne. L'expression même de "all'italiana" vient du titre du film de Germi. Cependant, malgré cette appellation consacrée, il est toutefois difficile de cerner les caractéristiques communes aux différents films du corpus. Attardons-nous donc sur les deux principales spécificités de Divorce à l'italienne : d'un côté, l'audace de son sujet et des critiques qu'il porte; de l'autre, son humour particulier, proche du cartoon.

            Dans les années 60, le divorce était interdit en Italie. Il sera légalisé en 1970 à l'occasion du vote d'une loi qui manqua de briser la démocratie chrétienne. Le film de Germi s'amuse de cette prohibition: cette condamnation du divorce ne fait donc pas les affaires de Ferdinando Cefalù, noble sicilien, fatigué de sa vie bourgeoise et de sa femme envahissante. En effet, il envisage de se remarier avec une jeune cousine dont il est éperdument amoureux. Ainsi, il fait tout pour que son épouse s'éprenne d’un autre homme, afin de pouvoir les surprendre ensemble, la tuer et n’avoir qu’une peine légère pour crime d'honneur.
            Divorce à l'italienne offre un témoignage critique vis-à-vis d'une société italienne corsetée par les bonnes mœurs. Cefalù est ainsi exaspéré par de l'omniprésence de sa belle-famille et par la bêtise sa femme bienpensante. Les siciliens vivent dans un monde arriéré où la culture catholique est prédominante: le curé dicte ainsi à ses paroissiens le choix de leur vote et incite à boycotter la sortie de La Dolce Vita, que les habitants du village, à l'annonce d'un film sulfureux, vont en fait s'empresser de voir. On se moque des cocus, on compare les belles femmes à la madone, on croit en l'honneur et on justifie l'usage du crime pour le sauvegarder. Un couple affilié à la famille de Cefalù apporte un gag récurrent: l'homme, récemment veuf, doit attendre pour pouvoir se remarier mais passe son temps à flirter avec sa future épouse. L'hypocrisie règne par rapport au sexe comme le prouve le père de Cefalù qui a l'habitude de pincer les fesses de sa bonne sous les yeux mêmes de sa femme.
            La Sicile, terre d'une mafia de pacotille et de traditions risibles, fait donc l'objet de moqueries audacieuses. Pour ce faire, Germi a recours à la caricature et à un humour noir proche de celui du cartoon. Comme dans les Bip Bip et le coyote ou Tom & Jerry, Divorce à l'italienne narre les déboires d'un individu prêt à tout pour en tuer un autre. Affublé d'une moustache, digne du loup de Tex Avery, Marcello Mastroianni joue tout en rondeur, en grimace: il joue de ses faux airs impassibles, de ses sautes d'humeur et d'un rictus maladif. Comme dans Infidèlement vôtre (1948) de Preston Sturges ou comme chez Buñuel, son personnage de bourgeois fantasme divers assassinats de sa femme: avec un poignard ou une arme à feu, par noyade... La caractère burlesque du film est aussi renforcé par l'utilisation d'accélérés. Peut être la légèreté, le cynisme du ton de Divorce à l'italienne étaient-ils l'enrobage nécessaire pour faire passer la pilule de la critique sociale ?

 

23.09.2012.