jeudi 1 novembre 2012

Theatre of Blood / Théâtre de Sang (1973) de Douglas Hickox

 
Vincent Price, vedette de films d'horreur, a toujours eu l'ambition d'être un grand comédien. Déjà, dans La Tour de Londres (1962) de Roger Corman, il cabotinait dans le rôle de Richard II suave: il accentuait par une prononciation suave et des mimiques grotesques des dialogues lointainement inspirés de Shakespeare. Mais, le comédien, outrancier, est demeuré durant toute sa carrière un histrion sans retenue.
 
Dans l'excentrique Théâtre de Sang, Vincent Price incarne un acteur de théâtre, spécialisé dans la tragédie shakespearienne. Las d'être éreinté par la critique, il orchestre un faux suicide pour mieux assassiner ceux qui ont détruit sa carrière. Chaque meurtre est conçu en référence aux épisodes morbides des tragédies de Shakespeare: douze coups de poignard comme dans Jules César, incitation au crime passionnel comme dans Othello, dégustation des êtres aimés comme dans Titus Andronicus, noyade comme dans Richard III...
 
Le film d'horreur, volontiers trash, se mélange donc avec la comédie macabre, et la révision didactique de l'œuvre du célèbre dramaturge anglais. Le choix de Vincent Price dans le rôle d'un mauvais acteur décidé de prendre sa revanche s'avère tout à fait approprié. L'interprétation de Price ainsi que les éléments horrifiques grossiers de Théâtre de Sang sont dans le ton pour revigorer le théâtre granguignolesque de Shakespeare.
 
Malicieux, le film de Douglas Hickcox questionne la qualité du jeu comique en nous offrant le spectacle d'un acteur qui vit pleinement son rôle, confondant fiction et réalité. Au fond, le pathétique acteur ne devient-il pas meilleur juste en apportant un soupçon de vérité irrémédiable, non simulée: des cris, de la violence et du sang. Certes, l'acteur demeure cabotin et tient trop à cœur son rôle de méchant mais lorsque l'on sait qu'il tue, il nous effraye véritablement au lieu de nous faire rire.
 
Avec ce questionnement amusant et ses références lettrées, Théâtre de Sang transcende ainsi le simple film d'horreur. Plusieurs critiques ont d'ailleurs relevé la comparaison entre le film d'Hickox et L'Abominable Dr. Phibes (1971) de Robert Fuest, autre film tourné par Vincent Price en Angleterre: on y retrouve l'idée d'un protagoniste supposé mort qui prend sa revanche et tuant plusieurs victimes en référence à des morts de fictions (ici, il s'agit des plaies de l'Egypte dans la Bible). L'esthétique seventies, un peu "camp" et influencé par la télévision, semble également assez similaire.
 
25.10.12.