jeudi 18 août 2011

Le Signe du Lion (1959) d’Eric Rohmer



         Premier film d’Eric Rohmer, Le Signe du Lion, sorti en mai 1959, est également l’un des premiers films de la Nouvelle Vague avec Le Beau Serge de Chabrol (sorti en janvier 1959), Les 400 Coups de Truffaut (sorti en juin 1959) et A Bout de Souffle de Godard (sorti en mars 1960). Typique de l’économie de la Nouvelle Vague (tournage rapide dans les rues de Paris avec des acteurs méconnus), Le Signe du Lion porte en germe l’œuvre à venir de son réalisateur.

         Dans Le Signe du Lion, Pierre Wesserlin, un violoniste d’origine étrangère vit une existence oisive : sa musique est son art, non son gagne pain. Lorsqu’il découvre qu’il hérite de sa tante richissime, il invite tous ses amis pour faire la fête. Coup de théâtre, ce n’est pas lui qui est légataire mais un lointain cousin. Poursuivi par ses créanciers, il se retrouve seul en plein mois d'août (ses amis sont partis en vacances !) et refuse de travailler. Déambulant sur les quais, il devient clochard.
         Ce bref synopsis illustre que Le Signe du Lion revèle ainsi déjà le goût de Rohmer pour le conte et la morale. La moralité pourrait être résumée par le proverbe: « Il ne faut vendre la peau de l’Ours avant de l’avoir tué ». Bougon voire ordurier, Pierre Wesserlin s’avère être un personnage assez antipathique. Fantasque, il n’hésite pas à tirer à la carabine depuis la fenêtre de son appartement pour amuser la galerie. Vantard, il invoque la force de son signe astral : « c’est le signe le plus noble, celui des conquérants ; le soleil les gouverne ! ». Par une ironie du sort, c’est précisément le soleil terrassant de l’été qui contribuera à sa déchéance tant physique que morale. Le personnage semble donc payer pour son péché d’ubris.
         Autre composante thématique de Rohmer : le hasard dont le rôle majeur semble contredire la morale. Son cousin étant mort dans un accident de voiture, le clochard Pierre Wesserlin ignore qu’il est millionnaire. Finalement prévenu par ses amis revenus de leurs voyages, Wesserlin se comporte de la même façon que lors de l’annonce première de son héritage, comme s’il n’avait pas rien appris de la punition du ciel. Souvent chez Rohmer, c’est le spectateur, et non les personnages, qui sort enrichi de la fable. Mais Wesserlin avait raison de croire en sa bonne étoile.

         Le Signe du Lion est donc précurseur de l’œuvre à venir de Rohmer. Le film frappe également par sa peinture de Paris presque documentaire et réaliste : un noir et blanc sobre, des portraits grotesques de clochards à la Boudu, des morceaux de vie captés dans les rues. Paris semble vraiment être un personnage à part entière de l’histoire comme dans Les 400 Coups ou dans A Bout de Souffle.