lundi 29 août 2011

Michel Petrucciani (2011) de Michael Radford


         On peut connaître Michael Radford, réalisateur anglais, pour ses adaptations cinématographiques littéraires : 1984, Le Facteur ou encore Le Marchand de Venise. Formé au National Film and Television School, Radford a commencé sa carrière à la TV, en réalisant entre 1976 et 1982 plusieurs documentaires, notamment pour la BBC. En 2011, il retourne au cinéma documentaire avec une œuvre consacrée au pianiste de jazz français Michel Petrucciani.

         La vie de Petrucciani, personnage passionnant à plus d’un titre, justifie un film. Atteint d’un nanisme prononcé, Petrucciani déconcerte par son absence de complexes. Il déclare ainsi : « J’aimerais bien vous dire : oui je souffre drôlement ; j’ai beaucoup de problèmes ; je suis petit ; je suis handicapé ; je bande pas. Mais non, tout va très bien ; j’ai une vie tout à fait normale avec des enfants, une femme. Voilà, c’est tout ». Premier artiste non américain à enregistrer pour le label Blue Note, cet artiste virtuose a joué avec les plus grands noms du jazz : Clark Terry, Charles Lloyd, Wayne Shorter, Dizzy Gillespie, Jim Hall, Stanley Clarke, Lenny White… Homme à femmes (et oui !), drôle et fantasque, Petrucciani se savait condamné et a vécu sa vie à toute vitesse malgré sa fragilité : il parvient à séduire tant le public des années 80 que le spectateur du documentaire.
         Si le sujet, dense, intéresse le spectateur, le documentaire de Radford, lui déçoit : pas de mention du nom des intervenants, peu d’indications spatio-temporelles, des reconstitutions maladroites (ahreu ! Bébé Petrucciani naît !)… On sent que Radford cherche à éviter les codes du documentaire, propres à agacer le spectateur lambda. Résultat, son film perd en rigueur et ce reproche est d’autant plus grave que le monde du jazz intéresse justement à un public de connaisseurs. Le film de Radford retrouve de l’intérêt dans la justesse des interventions qui évoquent des questions plus sensibles (le fils de Petrucciani est atteint de la même maladie que son père : privé de talent, il doit se résoudre à rester une simple personne « anormale »), plus sombres (le rapport à la drogue) ou plus subtiles (l’aspect physique de l’homme n’a-t-il pas perturbé le regard sur le talent réel de l’artiste ?).


         Le documentaire de Radford sur Michel Petrucciani, malgré ses défauts évidents, permet de découvrir une personnalité exceptionnelle. Le spectateur n’approfondira donc pas tellement sa connaissance du monde du jazz mais sortira grandi de cette belle leçon de vie.