L’affiche de Super 8, l’un des blockbusters de l’été, présente le film comme un revival du cinéma spielbergien. C’est d’ailleurs le réalisateur des Dents de la Mer qui a lui-même produit le film, réalisé par J.J. Abrams, un des admirateurs. Non seulement Super 8 exploite le filon des films de Spielberg mais il véhicule également un même amour d’un cinéma de genre, candide et sincère.
L’intrigue de Super 8, véritable film de science-fiction, démarque celle de Rencontres du Troisième Type (1977). D’étranges manifestations surnaturelles troublent la vie tranquille d’une bourgade des Etats-Unis : Rencontres se passe aux alentours d’Indianapolis, dans l’Indiana, alors que Super 8 se déroule dans la ville fictive de Lilian, dans l’Ohio [1]. Notons également que l’action de Super 8 se situe en 1979, soit deux ans après la sortie de Rencontres.
Ce qui précède était plus qu’un . Le responsable de tous les désordres n’est autre qu’un alien monstrueux (dans Rencontres, c’étaient plusieurs extra-terrestres) dont l’intelligence ultra sensible trouble tout sur son passage : il fait sauter le courant électrique, soulève les voitures et autres objets métalliques pour constituer un vaisseau, comme dans ET, afin de rentrer chez lui. Le film d’Abrams porte une même image négative sur l’armée qui préfère évacuer le village pour étouffer l’affaire. Ici, la peur est renforcée par l’obsession maladive d’un inquiétant colonel, mise en perspective avec le sens du devoir d’un bon flic local : l’armée constitue la manifestation dangereuse d’un fédéralisme hors de contrôle.
Les acteurs privilégiés de ce cinéma naïf ne sauraient être que les enfants. Dans Super 8, le film de SF se mélange avec le teen movie car les protagonistes sont un groupe d’adolescents. Comme dans ET, ils se déplacent à vélo et se caractérisent par leur curiosité et leur courage et leur tolérance face à l’alien (c’est-à-dire l’étranger). La relation de l’enfant avec ses parents est contrariée par l’absence de l’un d’eux : dans ET, les parents ont divorcé alors que dans Super 8, la mère est morte. En une moralité gnangnan, Abrams suggère que l’épisode a appris au garçon à surmonter sa douleur et à faire son deuil.
Un aspect signifiant du film d’Abrams est le rapport au cinéma. En effet, comme le titre l’indique, les enfants réalisent un film en super 8 qui contient la solution du mystère. Avec leur pellicule, ils parviennent aussi bien à saisir le monstre à l’œuvre (cœur du film de SF) qu’à capter l’émotion de rares moments de vie avec une mère disparue (cœur du film d’apprentissage). Super 8 est bien le film d’une génération cinéphile. Il faut en fait rapporter cet amour du cinéma à l’affect des auteurs : Spielberg et Abrams, deux défenseurs d’un cinéma populaire, partagent en effet une enfance similaire (faite de cinéphilie et de bricolage) et un début de carrière tout à fait comparable (le passage par la TV)[2].
Hommage appuyé au cinéma de Spielberg, Super 8 n’est qu’une variation nostalgique sur le cinéma du réalisateurs de Rencontres du Troisième Type. Il plaira aux enfants d’aujourd’hui et à ceux qui étaient adolescents dans les années 70 et 80 (cf. l’enthousiasme critique des Cahiers du Cinéma). Nous ne faisons partie d’aucune de ces deux catégories.
[1] Etat d’origine de Spielberg, né à Cincinnati.
[2] Spielberg, né en 1946, suit son père après le divorce de ses parents pour s’installer à Saragota, en Californie. En 1959, à l’âge de 13 ans, il réalise son premier film The Last Gun, un western de 8 minutes. Suivent alors deux films de guerre : Fighter Squad et Escape to nowhere (1961). En 1964, avec un plus gros budget (500 $ !), il tourne Firelight, film de SF préfigurant Rencontres du Troisième Type. C’est par son court métrage professionnel Amblin’ que Spielberg se fait remarquer. Après l’histoire est plus connu : Spielberg fait des films pour la TV et le succès de Duel le lance dans le monde du cinéma.
J.J. Abrams, lui, est né en 1966 à New York. Elevé à Los Angeles, il passe donc également son enfance en Californie. A l’âge de 8 ans, il réalise des petits films avec du super 8 (format de film cinématographique, lancé par Kodak en 1965 pour le cinéma amateur) avec ses camarades de classe. A 16 ans, Abrams écrit la musique pour un film d’horreur de petit budget (Nightbeast, 1982, de Don Dohler. Un scénario écrit au lycée lui ouvre les portes du cinéma (Taking Care of Buisness, 1990, d’Arthur Hiller) Il poursuit alors sa carrière de scénariste (il a participé au scénario d’Armagedon de Michael Bay), commence une carrière de producteur (il a entre autres produit Cloverfield) et se lance dans la TV (il crée la série TV Lost). Mission impossible 3 (2006) marque son début dans la réalisation. Suivront le reboot de Star Trek (2009) puis Super 8.