samedi 17 septembre 2011

The Darjeeling Limited / A bord du Darjeeling Limited (2007) de Wes Anderson


         Comme pour s’échapper de la bulle du cinéma indépendant, Wes Anderson a situé l’action de son Darjeeling Limited en Inde. Pourtant, même aux antipodes, Anderson, entouré de ses comédiens fétiches (Jason Schartzman, Owen Wilson, Anjelica Huston), remet en scène son petit théâtre excentrique et référentiel.


         Le Darjeeling Limited du titre, c’est un train emprunté par les protagonistes, trois frères à la recherche de leur mère disparue en Inde. Les personnages sont habilement croqués : Owen Wilson est l’aîné autoritaire et ridicule (il est couvert de bandelettes et de pansements au visage) ; Adrien Brody [1] fuit ses responsabilités de futur père ; Jason Schartzman [2], en sosie moustachu du chanteur Peter Sarstedt, joue un écrivain romantique et lunaire. Bien sûr, la quête de la mère va se doubler pour la famille d’un voyage moral, les personnages apprenant au fil du temps à renouer, à se faire confiance et à s’accepter.
         Certes, les faiblesses des uns et des autres vont se révéler : la mort d’un père pèse sur la famille, Owen Wilson a tenté de se suicider, Adrien Brody envisage de quitter sa femme alors que Jason Schartzman est un éternel loser, récemment « largué ». Néanmoins, Anderson privilégie l’affection plutôt que la critique. Il en résulte que son film paraît souvent bon enfant, voire consensuel et ce d’autant plus que la fratrie, certes séparée à l’origine, ne semble jamais avoir été dissoute.
         Récit picaresque, A Bord du Darjeeling Limited est à tout à fait comparable à Little Miss Sunshine, autre équipée familiale qu’on pourrait concevoir comme un road movie à l’effet « feel good ». Le road movie n’est plus une syntaxe critique (à l’égard de l’Amérique, des personnages) mais une syntaxe euphorique. Le choix de son emploi par les cinéastes contemporains traduit à la fois le désir de se rattacher à l’héritage des maîtres des années 70 mais également l’enthousiasme marqué, prononcé, de cette nouvelle génération.

         Mais l’univers de Wes Anderson ne se caractérise pas seulement par la tendresse portée aux personnages : il bénéficie en effet d’une grande force visuelle. L’Inde de Wes Anderson n’est pas décrite avec réalisme : il s’agit d’un pays fantasmé, d’un rêve cinématographique coloré. Ainsi, Anderson revendique l’influence du Fleuve (1951) de Renoir ou des documentaires de Louis Malle mais c’est surtout Bollywood (pour le kitch) et les films de Satyajit Ray (par les bandes originales de ses films) qui sont convoqués. On pense aussi au Narcisse noir (1947) de Powell et Pressburger pour le personnage d’Anjelica Huston, vieille hippie recluse en haut d’une montagne dans un dispensaire.
         Transformant le train du Darjeeling Limited en maison de poupée, Wes Anderson s’amuse ainsi à créer son propre monde comme en témoigne également l’emploi de la musique des années 60 (les Kinks, les Stones et même Joe Dassin !), utilisée juste parce que le réalisateur l’aime et parce qu’elle contribue à la touche « pop » de son film. Libre, Wes Anderson se permet même des ralentis (un peu vains ?) et un court métrage / incipit amusant mais n’ayant que peu de rapport avec le reste du film.


         A Bord du Darjeeling Limited, réunion de famille à l’étranger, montre que, même en Inde, Wes Anderson reste le même. On ne doute pas une seule seconde du talent de metteur en scène de Wes Anderson mais la sincère sympathie qu’on porte au film est assez révélatrice : son audace s’est émoussée.

17.09.11.

[1] Adrien Brody est le seul nouveau venu dans le cinéma de Wes Anderson. A noter la (courte) présence de Bill Murray, mascotte du réalisateur, en retard pour son train au début (trompeur et amusant) du film.
[2] Jason Shartzman a coécrit le scénario du film avec Wes Anderson et son cousin Roman Coppola (également assistant réalisateur, comme il l’avait déjà fait pour La Vie aquatique).