vendredi 30 septembre 2011

Les Bien-aimés (2011) de Christophe Honoré


         Après Homme au bain, film dont la distribution fut limitée, Christophe Honoré retourne à un cinéma plus accessible. Les Bien-aimés se penche sur l’évolution du sentiment amoureux à travers les générations.

         Les Bien-aimés met en parallèle deux histoires : celle de Madeleine, femme légère des années 60 qui découvre la souffrance du grand amour et celle de sa fille Véra, perdue dans la liberté sexuelle des années 90. Voulant peut-être quitter le microcosme du Paris bobo et fantasmé de ses films précédents, Honoré a gagné en ambition : Les Bien-aimés s’apparente à une fresque familiale et mélodramatique de plus de 2h15, se déroulant à travers le monde (Paris, Montréal, Prague, Londres) et les âges (des années 60 à nos jours).
         Décrivant des amours passionnels, Les Bien-aimés véhicule une vision romantique du sentiment amoureux. Les bien-aimés du titre, ce sont ces êtres chers que l’on peine à oublier, ceux que l’on arrive pas à dépasser. Madeleine (avec son amant tchèque), comme se fille Véra (qui aime un homosexuel à l’identité sexuelle confuse) sont les victimes de ces bien-aimés à l’ombre étouffante. Car qui dit bien-aimé, sous entend l’existence d’un mal-aimé également. Sur ce point, le film d’Honoré, s’avère plus qu’un simple film sentimental et porte un jugement sombre et pessimiste des relations amoureuses.
         La comparaison générationnelle aboutit ainsi à une conclusion inaccoutumée : l’existence de bien-aimés semblent rendre impossible (ou presque) la liberté amoureuse (et sexuelle). Pour Véra, les années 60 étaient l’âge d’or de cette liberté. Pourtant, force est de constater que les douleurs de la fille sont les mêmes que celles qu’avaient rencontrées sa mère : certes, Madeleine a pu parfois se prostituer mais elle n’a jamais réussi à se défaire de sa dépendance envers son véritable amant. Les personnages résument eux même leur problème : on peut vivre sans l’autre mais on ne peut pas vivre sans l’aimer. Et la libération des mœurs n’a rien changé.
         Le spectateur peut être intrigué par le message des Bien-aimés mais ne sera pas totalement dérouté. En effet, on retrouve tous les éléments récurrents de l’œuvre d’Honoré, ses tics systématiques qui peuvent aussi bien plaire qu’agacer : les sympathiques chansons d’Alex Beaupain pour faire part des états d’âme des personnages [1], l’étalage des influences (ici Milan Kundera pour la partie sur le printemps de Prague) et des références (Madeleine faisant le tapin accoudé au mur nous fait penser à la Nana de Vivre sa Vie de Godard), le défilé des « survivants » de l’époque de la Nouvelle Vague (cette fois-ci Milos Forman, Michel Delpech et Catherine Deneuve) et la relève (Louis Garrel, Chiara Mastroianni, Ludivine Sagnier).

         Avec Les Bien-aimés, Christophe Honoré fignole ainsi les contours de son cinéma. Comme Non ma fille tu n’ira pas danser, il s’agit d’un film émouvant et humain. Ces deux films, parmi les meilleurs de leur auteur, confirment l’espoir que l’on peut avoir en ce réalisateur: à chaque fois, Honoré semble se perfectionner.

30.09.11

[1] Christophe Honoré aime souligner la différence de l’utilisation des chansons dans ces films avec celle des films de Jacques Demy, films « enchantés », intrinsèquement rythmés par la musique.