Hannibal est la suite directe du Silence des Agneaux, sorti dix ans auparavant. Nous retrouvons le docteur Hannibal Lecter en cavale. Il continue à hanter Clarice Starling, devenue agent du FBI, la contraignant à se remettre sur la piste du plus célèbre des cannibales. Malgré l’excitation de retrouver notre anthropophage préféré, force est de reconnaître qu’Hannibal, desservi par un mauvais scénario et une mise en scène décevante, n’arrive pas à la hauteur de son prédécesseur.
Les qualités du film de Jonathan Demme ont malheureusement disparu dans celui de Ridley Scott. Le Silence des Agneaux, alliage entre l’horreur et le thriller, créait la terreur. Dans Hannibal, la traque policière est confiée cette fois-ci à un inspecteur italien plutôt qu’à l’agent Starling. Celle-ci est en effet en retrait : l’actrice a changé (Julianne Moore remplace Jodie Foster [1]) et le personnage a vu ses qualités d’héroïne modifiées (la flic autoritaire et courageuse a perdu en faiblesse et en hésitation).
Le volet « horreur » laisse aussi à désirer et ce, en raison de la rareté des séquences de terreur qui ne surviendront que trop tardivement. Scott réemploie néanmoins le procédé du double récit : le docteur Lecter s’en sortant toujours, il faut trouver un autre méchant. Ici, le personnage du psychopathe de Buffalo Bill a laissé place à Mason Verger, une ancienne victime du docteur Lecter, avide de vengeance et bien déterminée à faire jouer ses relations (on dénonce au passage une certaine corruption dans la police). Défiguré et monstrueux, ce personnage de « freak » grotesque ne fait pas le poids avec son rival.
S’il suscite moins de frisson, qu’apporte alors Hannibal ? Ridley Scott a en fait renforcé l’ambigüité des personnages. On esquisse ainsi un possible penchant homosexuel du docteur Lecter : ses liens avec Mason Verger, son aspect maniéré, la façon avec laquelle il se refuse à Clarice Starling seraient autant d’indices. De plus, les liens entre Hannibal et son poursuivant sont bien plus développés. Menotté à Starling, Hannibal sacrifiera sa main pour se libérer plutôt que couper celle de la policière.
Hannibal semble même hésiter à s’aventurer dans le gore mais s’y adonnera pleinement vers la fin. Ainsi, Hannibal fera manger à Ray Liotta sa propre cervelle [2]. Ensuite, pour la dernière scène, le docteur Lecter fait goûter un petit bout de matière grise (conservé dans un Tupperware !) à un enfant assis à côté de lui dans l’avion.
Hannibal manque donc d’audace. Et pour ne rien arranger, la mise en scène de Ridley Scott agace : montage haché, images issues de caméras de surveillance, lyrisme outrancier… Certes, il y a quelques bonnes scènes (dont celles à Florence) et Anthony Hopkins est toujours aussi remarquable dans le rôle de Lecter (« hum, je mangerais peut-être votre femme »…) Mais cela ne suffit pas à faire oublier l’ensemble médiocre que constitue Hannibal, exemple typique de la suite mauvaise, voire inutile.
07.10.11.
[1] Jodie Foster a refusé le rôle pour des raisons d’incompatibilités de tournage. Il semble également qu’elle n’ait pas été convaincu par le scénario. Ceci ne nous étonnera guère.
[2] Cette scène a été largement modifiée par rapport au roman. Lors de ce diner en tête à tête, le romantisme et l’ambigüité qui existaient dans le livre d’Harris (Hannibal et Starling couchent ensemble après avoir tous deux dégusté un repas cannibale…) ont été malheureusement gommés.