samedi 29 octobre 2011

The Sandpiper / Le Chevalier des Sables (1965) de Vincente Minnelli


         Souvent lorsque le cinéma met en scène un personnage d’ecclésiastique, il va donner de la densité au portrait en mettant en scène un conflit allant contrarier sa foi et ses croyances. Un trouble social (Dieu est mort de John Ford), un souvenir amoureux (La Loi du Silence d’Hitchcock) ou une angoisse personnelle (plus récemment Habemus Papam de Nanni Moretti) peuvent ainsi être convoqués. Dans Le Chevalier des Sables de Minnelli, un pasteur marié et conformiste, interprété par Richard Burton, va succomber aux charmes d’une artiste peintre libertaire, jouée par Elizabeth Taylor [1]. Présentant une remise en cause aussi intime que profonde (un adultère doublé d’une crise spirituelle), Le Chevalier des Sables frappe par sa franchise et sa maturité.


         Au contact de sa maîtresse et de ses amis beatniks (dont Charles Bronson en sculpteur et Nico, figurante, qui fait une courte apparition), le pasteur Richard Burton va prendre conscience de son étroitesse d’esprit et de son caractère rétrograde. Sa foi et son mariage (avec Eva Marie Saint) se sont perdus au fil du temps et le jeune illuminé a laissé la place à un hypocrite. Directeur d’un pensionnat privé, il ferme les yeux sur le mauvais comportement des élèves si leurs parents l’aident financièrement à la construction de sa chapelle. Rassemblant des cotisations, Burton réalise que sa quête n’est pas loin de celle d’un marchand du temple. Dieu est difficile à trouver dans ce monde fragile, marqué par les tourments et les passions.
         A l’inverse, Taylor, la tombeuse qui devient amoureuse, réalise que son isolement social et géographique (elle vit seule au bord de la mer) est aussi lâche qu’insupportable: l’homme ne doit pas vivre seul. Le Chevalier des Sables file ainsi la métaphore du « sandpiper », oiseau sauvage blessé que soigne Elizabeth Taylor : selon elle, pour mieux apprivoiser l’animal, il faut ne pas l’emprisonner. La liberté ne peut donc s’acquérir qu’après des expériences douloureuses (pour Burton) et l’acceptation de nos propres dépendances (pour Taylor). Après l’adultère, les personnages ont donc évolué dans un sens différent tout en se rapprochant. Cependant, la morale et le poids de la société reprendront le dessus sur le couple et la conclusion, amère, verra le personnage du pasteur quitter sa femme pour vivre seul.
         Drame passionnel placé sous la chaleur du soleil de Californie (le film se déroule sur la côte de Monterey), Le Chevalier des Sables bénéficie d’images naturelles très belles que magnifie la photographie en couleurs de Milton Krasner et la mélancolique musique de Johnny Mandel (le thème « the Shadow of Your Smile » qui remporte l’oscar de la meilleur chanson de l’année). Avec ce film audacieux, s’intéressant aux libertaires à défaut d’adhérer à leur idéologie, Vincente Minnelli prouve qu’il est bien plus qu’un peintre talentueux de mélodrames flamboyants.


         Histoire d’amour contrariée par les différences, Le Chevalier des Sables peut parfois paraître invraisemblable. Mais le charme du duo Burton/Taylor et la mise en scène élégiaque de Minnelli font la force du Chevalier des Sables, film tourmenté et coloré.






[1] Le Chevalier des Sables fait partie des neufs films avec le couple Burton/Taylor, corpus qui comprend Cléopâtre (1963) de Joseph Mankiewicz, Hôtel international (1963) d’Anthony Asquith, Qui a peur de Virginia Woolf ? (1966) de Mike Nichols, La Mégère apprivoisée (1967) de Franco Zeffirelli, Docteur Faustus (1967) de Richard Burton, Les Comédiens (1968) de Peter Glenville, Boom (1968) de Joseph Losey et Under Milk Wood (1972) d’Andrew Sinclair.