jeudi 26 décembre 2013

Au Hasard Balthazar (1966) de Robert Bresson



Comme Pier Paolo Pasolini, Robert Bresson, qui se déclare "chrétien athée", questionne dans son cinéma la religion catholique et la question de la foi. Le réalisateur a ainsi collaboré sur son premier film Les Anges du péché (1943) avec le père dominicain Bruckberger et a adapté Le Journal d'un curé de campagne d'après Bernanos en 1950. 

La passion christique d'un âne. Dans Au Hasard Balthazar, un âne passe de main en main dans un petit village et devient le témoin autant que la victime des méchancetés des hommes. Bresson a tenté de mettre en scène les sept péchés capitaux: il donc question d'avarice, de colère, de luxure... L'âne s'appelle Balthazar, tel le roi mage, et son premier maître se prénomme Marie, comme la vierge. Le film s'ouvre sur le baptême de l'âne et la guirlande de fleurs que les enfants placent sur la tête de l'annonce évoque la couronne d'épine du christ. L'âne sera par la suite fouetté, battu, moqué comme le Christ lors des différentes stations du chemin de croix. Figure christique (l'âne est aussi l'animal à dos duquel Jésus arrive à Jérusalem), Balthazar, qui porte la douleur et les péchés des hommes, finira abattu et abandonné sur une colline, version moderne du Golgotha. 

Le style de Bresson. Pour illustrer cette histoire fortement emprunte de catholicisme, Bresson a recours à une mise en scène épurée et froide. Si Bresson rappelle avec amusement la modernité des années 60 (des loubards en blouson de cuir se promènent en moto et écoutent de la musique yéyé), il semble surtout fasciné par la vie campagnarde des Landes. La bande-son se compose d'une unique sonate au piano de Schubert tandis que la photographie en noir et blanc de Ghislain Cloquet rend à la fois la dureté et la beauté des visages. Fidèle à sa fameuse technique de direction d'acteurs (ou de "modèles" comme il préfère les appeler), Bresson épuise ses comédiens (des non-professionnels) pour qu'ils énoncent leur dialogue de façon mécanique. Filmant l'action et les personnages avec distance, Bresson signe un film déroutant: Bresson associe à la sobriété la pudeur, le retrait à l'émotion. 

01.12.13.