jeudi 26 décembre 2013

Deux films réalisés par Pedro Almodóvar: Matador (1986) & Todo sobre mi Madre / Tout sur ma mère (1999)


Nom incontournable du cinéma espagnol, Pedro Almodóvar a commencé sa carrière comme étendard de la "movida", mouvement culturel qui traduit la transition démocratique du pays après la mort de Franco. Cinéaste cinéphile, Almodóvar parvient à explorer ses thématiques de prédilection (la liberté ou l’identité sexuelle) à travers le travail des formes classiques.

Matador apparaît ainsi comme une réécriture dans les années 80 du cinéma surréaliste du Buñuel de La Vie criminelle d'Archibald de la Cruz (1955). Avec son récit cauchemardesque, Matador relate le destin croisé de trois personnages sexuellement troublés: un jeune matador impuissant qui s'accuse de viols et de meurtres qu'il n'a pas commis; son maître, un matador à la retraite depuis un accident, le véritable coupable car il a besoin de donner la mort "pour continuer à vivre" comme avant; enfin, une avocate perverse qui assassine ses amants lors du coït, imitant le rituel tauromachique, et trouvant ainsi dans le vieux matador, son alter-ego. Traduction de la folie passionnelle et de la fusion totale entre Eros et Thanatos, Matador baigne dans un climat morbide et délirant. Avec Matador, Almodóvar acclimate en fait la culture espagnole (les toreros, le surréalisme) avec un genre très à la mode aux Etats-Unis dans les années 80 qui est le thriller érotique.

Tout sur ma mère renvoie lui au mélodrame hollywoodien des années 50. L'histoire développe une succession de situations improbables ou extrêmes: une mère décide de révéler à son fils l'identité de son père le soir de son anniversaire mais celui-ci meurt suite à un accident de voiture; à la recherche du père, elle se lie d'amitié avec une jeune sœur catholique, enceinte de ce même homme... Portrait de femmes (et d'actrices) comme chez Cukor ou Cassavetes, citation du Eve de Mankiewicz (regardé par les personnages à la télévision), représentation d'un Tramway nommé désir, couleurs vives comme dans le cinéma de Douglas Sirk: Tout sur ma mère fait autant référence au mélodrame hollywoodien qu'il en reprend les motifs. En mettant en scène des personnages outranciers et grotesques de transsexuels et de prostituées, Almodóvar, qui arrive après la revisitation du mélodrame sirkien par un cinéaste "trash" comme Fassbinder, va jusqu'au bout du mauvais goût et du caractère kitsch du genre. Et comme dans le mélodrame américain, l'artificialité n'étouffe pas l'émotion car, au contraire, et étonnamment, c'est elle qui la provoque. 

20.11.13.