jeudi 26 décembre 2013

Hannah Arendt (2013) de Margarethe Von Trotta



Après Les Années de plomb (1981), Rosa Luxembourg (1986), Les années du Mur (1995) et Rosenstrasse (2003), Margarethe Von Trotta, avec Hannah Arendt, continue d'explorer les fissures de l'histoire allemande.

Le film suit le reportage par Hannah Arendt du procès du criminel de guerre nazi Eicheman: à partir de cet évènement, la philosophe élabore la théorie de la "banalité du mal". Ses prises de position quant au procès, aux motivations et à la personnalité d'Eichmann et à l'implication des institutions juives d'alors (les Judenräte, conseils juifs) lui attirent de vives réprobations et d'inimitiés non seulement parmi les rescapés de la Shoah, mais aussi parmi ses proches. Son obstination et l’exigence de sa pensée se heurtent à une incompréhension et provoquent son isolement. On sent l'attirance de Margarethe Von Trotta pour cette femme rebelle et indépendante: la réalisatrice avait d'ailleurs déjà recréée des héroïnes de l'Histoire seules contre tous et qui étaient déjà interprétées par la comédienne Barbara Sukowa (Rosa Luxembourg, Hildegard Von Bigen dans Vision). 

Centré sur une période précise de la vie de la philosophe, Hannah Arendt, de même que Capote (2005) de Bennett Miller, apparaît néanmoins comme un biopic que comme un film sur le développement d'une pensée. Allongée sur un canapé, dans le pénombre et le silence de son appartement newyorkais, Hannah Arendt cogite et doute, le regard vide et une cigarette allumée. Si l'idée de filmer un discours en train de se construire est intéressante, l'image elle est parfois trop récurrente et répétitive. Mais la réalisatrice insiste, voulant restituer l'intelligence du discours et la complexité de la pensée d'Arendt. 

Si Margarethe Von Trotta tente de s'écarter du biopic, elle finit néanmoins et malheureusement par épouser les canons esthétiques du genre. Ainsi, la réalisatrice du nouveau cinéma allemand des années 70, conjointe de Schlöndorff et actrice chez Fassbinder, succombe aux tentations de l'académisme. La reconstitution, très soignée, nous fait penser à celle de la série Mad Men (costumes élégants, voitures lustrées...). Barbara Sukowa semble parfois se complaire dans un rôle de composition et force parfois l'accent germanique. Enfin, le film incorpore même des scènes de flash back très convenues sur les années étudiantes de Hannah Arendt, où l'on voit la jeune femme coucher avec son professeur Martin Heidegger dans sa chambre de bonne... Là réside en fait le paradoxe de Hannah Arendt, un film où l'intelligence et la modernité du discours se heurtent à une forme certes classique mais conventionnelle.

10.11.13.