Après avoir scénarisé un film
de Wajda (Les innocents charmeurs,
1960) et de Polanski (Le couteau dans
l'eau, 1962), Jerzy Skolimowski, issu de l'école de Lódz, réalise son
premier long métrage, Rysopis / Signes particuliers: néant, en 1964. Le
film inaugure une série de films à caractère autobiographique, mettant en scène
Andrzej Leszczyc, personnage d'éternel « adulescent », double attachant du
réalisateur (joué par Skolimowski lui-même dans trois films sur quatre).
La légèreté du film de Skolimowsvki
semble inspirée par le cinéma de Nouvelle Vague française. Centré sur les
mésaventures d'un jeunesse qui peine à trouver sa place dans la société, Rysopis adopte un ton doux-amer: Andrzej
est un étudiant qui n'a toujours pas fini ses études (ou plutôt les avait-il déjà
commencées ?) et qui a fui le service militaire (ce détail fait écho au statut
de déserteur de Doisnel dans Baisers
volés de Truffaut; la critique se plaît souvent à comparer la série Doisnel
avec les films de Skolimowski). Il s'enlise dans une relation amoureuse qui ne
semble guère lui convenir, s'occupe de son chien enragé et passe la plus part
de son temps à flemmarder... Andrzej Leszczyc apparaît donc comme un véritable
antihéros, un looser sympathique guetté par l'anonymat, le néant (suggéré par
le titre du film).
Disposant de peu de moyens,
Skolimowski dynamise constamment sa mise en scène par des trouvailles. Il
multiplie ainsi les plans séquences et les expérimentations visuelles: un emploi
de la caméra subjective, une discussion entre des protagonistes dont on ne voit
que les ombres, un plan étrange sur le reflet des clients dans la glace d'une
table de café... Skolimowski confirme son statut de cinéaste jeune mais déjà
audacieux, qui n'hésite par à dresser un portrait peu positif de la Pologne: on
voit dans Rysopis des paysages
tristes, des accidents de tramway, des soldats qui défilent au loin comme des
automates et des vieux vétérans de la guerre qui radotent leurs exploits alors
que leurs blessures furent causées par la vie civile...
Après ce début prometteur,
Skolimowski développera ces thématiques (le portrait de la jeunesse et la
peinture de la société polonaise des années 60) dans ses films suivants tel que
Walk-over (1965, davantage
autobiographique, évoquant le passé de boxer et l'amour du jazz du réalisateur)
La Barrière (1966, sa réflexion la
plus aboutie sur la question de la jeunesse) et Haut les mains (1967, son film le plus critique envers le régime
communiste).
15.01.14.