Metteur en scène de
courts-métrages et de films documentaires, François Reichenbach réalise son
premier long métrage avec L'Amérique
insolite, reportage sur les Etats-Unis, produit par Pierre Braunberger (son
cousin) avec un commentaire de Chris Marker et une musique de Michel Legrand.
Il tourne ensuite Un Cœur gros comme ça,
un film pseudo-documentaire sur un jeune sénégalais qui arrive à Paris pour
tenter sa chance en tant que boxeur. Après Moi
un noir (1958) de Jean Rouch et On
n'enterre pas le dimanche (1960) de Michel Deville, Un Cœur
gros comme ça est récompensé par le prix Louis-Delluc, décidément sensible
à la question de la représentation de la population noire dans le cinéma
français.
Le film de Reichenbach montre
la découverte naïve (et touchante) de Paris par Abdoulaye Faye: le jeune boxeur
n'a jamais vu de neige, découvre la fumée créée par le froid et visite les
musées de la capitale (dont les mannequins des généraux de la colonisation au
musée de l'armée aux Invalides...). Candide, il écoute avec intérêt les
conseils d'une voyante ou de ses compagnons de voyage dans un train qui lui
expliquent comment séduire les femmes (lui est amoureux de Michèle Morgan...).
Comme dans On n'enterre pas le dimanche,
le jeune noir vit dans une petite chambre de bonne sous les toits et connait
angoisses et déceptions. Parfois confronté au racisme, il impose qu'on
l'appelle par son prénom et évite de créer des problèmes (il craint les
accidents de voiture car on le rendrait à tort responsable).
Tourné avec une caméra
clandestine et des micros cachés, le film frappe par son naturel mais s'écarte
du cinéma-vérité au profit de séquences poétiques (dont une ballade en barque
au bois de Boulogne) ou d'une vérité aménagée (emploi d'une voix-off). Le film
se présente véritablement comme un portrait: les séquences de boxe sont rares
et n'arrivent qu'à la fin du film. Reichenbach préfère filmer les réactions
(violentes) des spectateurs (dont Belmondo !) que le match lui-même.
D'ailleurs, Abdoulaye finit par perdre le combat. Mais tel le futur Rocky, le
boxeur accepte avec humilité la défaite, "petite sœur de la
victoire".
15.01.14.