dimanche 26 janvier 2014

Un Cœur gros comme ça (1961) de François Reichenbach

Metteur en scène de courts-métrages et de films documentaires, François Reichenbach réalise son premier long métrage avec L'Amérique insolite, reportage sur les Etats-Unis, produit par Pierre Braunberger (son cousin) avec un commentaire de Chris Marker et une musique de Michel Legrand. Il tourne ensuite Un Cœur gros comme ça, un film pseudo-documentaire sur un jeune sénégalais qui arrive à Paris pour tenter sa chance en tant que boxeur. Après Moi un noir (1958) de Jean Rouch et On n'enterre pas le dimanche (1960) de Michel Deville,  Un Cœur gros comme ça est récompensé par le prix Louis-Delluc, décidément sensible à la question de la représentation de la population noire dans le cinéma français.
 
Le film de Reichenbach montre la découverte naïve (et touchante) de Paris par Abdoulaye Faye: le jeune boxeur n'a jamais vu de neige, découvre la fumée créée par le froid et visite les musées de la capitale (dont les mannequins des généraux de la colonisation au musée de l'armée aux Invalides...). Candide, il écoute avec intérêt les conseils d'une voyante ou de ses compagnons de voyage dans un train qui lui expliquent comment séduire les femmes (lui est amoureux de Michèle Morgan...). Comme dans On n'enterre pas le dimanche, le jeune noir vit dans une petite chambre de bonne sous les toits et connait angoisses et déceptions. Parfois confronté au racisme, il impose qu'on l'appelle par son prénom et évite de créer des problèmes (il craint les accidents de voiture car on le rendrait à tort responsable).
 
Tourné avec une caméra clandestine et des micros cachés, le film frappe par son naturel mais s'écarte du cinéma-vérité au profit de séquences poétiques (dont une ballade en barque au bois de Boulogne) ou d'une vérité aménagée (emploi d'une voix-off). Le film se présente véritablement comme un portrait: les séquences de boxe sont rares et n'arrivent qu'à la fin du film. Reichenbach préfère filmer les réactions (violentes) des spectateurs (dont Belmondo !) que le match lui-même. D'ailleurs, Abdoulaye finit par perdre le combat. Mais tel le futur Rocky, le boxeur accepte avec humilité la défaite, "petite sœur de la victoire".
 
15.01.14.