dimanche 29 juillet 2012

Starbuck (2012) de Ken Scott


Le cinéma canadien ne nous est pas très familier : on sait que quelques natifs ont fait leurs preuves à Hollywood[1] et on connaît quelques metteurs en scène anglophones (Bob Clark, David Cronenberg) ou francophones (Denys Archand, Jean Marc La Vallée ou Xavier Dolan). Starbuck est le deuxième film de Ken Scott, le scénariste de La Grande Séduction (2003) de Jean-François Pouliot. Le sujet et le ton, pour le moins originaux, nous ont séduit.
 

« Starbuck » est le pseudonyme sous lequel David Wozniak a donné son sperme pour une clinique, devenant ainsi malgré lui le géniteur de 533 enfants. David, livreur de la boucherie familiale, est un personnage de looser, pathétique et attachant. Eternel adolescent, ce québécois quarantenaire aux origines polonaises accumule les mauvais choix, porte des t-shirt de geek, cultive du cannabis dans son appartement et est poursuivi par des gangsters dont il est débiteur.
Lorsqu’une centaine de ses descendants essaye de forcer la clinique de fertilité à révéler la véritable identité de « Starbuck », David essaye de reprendre sa vie en main. Quand il reçoit les dossiers des individus en question, il ne peut résister à la tentation de les survoler pour apercevoir qui ils sont. Anonymement, il devient leur ange gardien et découvre la diversité des hommes et femmes à qui il a pu donner vie : un footballer talentueux, un serveur qui rêve d’être acteur, un maître nageur, un gay, un gothique, une suicidaire, un handicapé… Il s’invite même en cachette à un week-end organisé par et pour les « enfants de Starbuck ». Après plusieurs péripéties, David Wozniak finit par révéler son identité et ce, le jour même où sa petite amie accouche de leur premier enfant.  

Posant le problème de la difficulté de passer à l’âge adulte, Starbuck n’est pas éloigné des préoccupations du jeune cinéma américain indépendant. La comédie de Ken Scott épouse une philosophie similaire à celle des films de Wes Anderson : on ne quitte l’enfance que quand on devient soi-même père ; la famille n’est pas soudée par les gênes mais par les liens que l’on tisse avec ses proches.
Ce récit d’apprentissage, confiant dans les valeurs de la famille ou la capacité de chacun à changer et grandir, paraît parfois bien raisonnable. Mais l’absurdité de la situation initiale est poussée jusqu’à son extrême : l’affaire est médiatisée, donnant lieu à un procès et à un débat de société. Le scénario est brillant et l’humour, toujours présent, côtoie des situations plus dramatiques. De plus, l’originalité du ton est renforcée pour le spectateur français  par les accents québécois. Avec Starbuck, on découvre un Canada bizarre : une société américanisée, un peu folklorique et peuplée de gens en quête d’une illusoire et inatteignable normalité. 



Partant d’une idée originale délirante et amusante, Starbuck va jusqu’au bout de son sujet et ne déçoit pas.
 

12.07.12.



[1] Citons parmi eux: Mack Sennett, Allan Dwan, Mark Robson, Arthur Hiller, Norman Jewison, Sidney Furie, Ted Kotcheff, Roger Spotiwood, Jason et Ivan Reitman, James Cameron, Mary Harron ou encore Paul Haggis.