dimanche 5 août 2012

The Eiger Sanction / La Sanction (1975) de Clint Eastwood


Adaptation d’un best-seller, La Sanction est le quatrième film mis en scène par Clint Eastwood. Ce thriller alpiniste constitue le  premier faux pas dans la carrière du réalisateur, promis aux plus hauts sommets comme aux pires dévissages.


De prime abord, comme plus tard Firefox,[1] La Sanction s’apparente à un film d’espionnage à la James Bond : un héros sportif et charismatique, C2, une organisation secrète internationalisée, une délocalisation permanente du récit pour redonner du souffle à l’action… Le film s’ouvre même par l’élimination d’un agent dans un pays d’Europe de l’Est, on parle de microfilms: l’atmosphère fleure bon la guerre froide.
Eastwood incarne l’improbable Dr Hemlock, ancien tueur à gages d’une mystérieuse « organisation » qui s’est reconverti dans l'enseignement : il est devenu professeur d’art dans une université et collectionne des toiles de maître. Difficile de croire que le très terre-à-terre Clint cultive une passion cachée pour Renoir et Matisse mais le film ne nous laisse pas le temps de nous attarder sur cette aberration : rattrapé par son passé, Hemlock est chargé de « sanctionner » (comprendre assassiner) un ennemi de C2. Il ne connaît pas l’identité de sa cible : il sait juste qu’il s’agit d’un des membres d'une équipe d'escalade qui projette d’escaler l'Eiger, dans les Alpes, et qu’il boîte.
Sûr de son « sex appeal », Eastwood, comme l’agent 007, se fait draguer par toutes les femmes qu’il rencontre. Mais le jeu simpliste de l’acteur (mutisme constant, regard froid et visage grimaçant, lorsqu’il faut  exprimer le mécontentement) agace. Le scénario, débile à souhait, met en scène des personnages secondaires tout aussi grotesques que l’on pense au personnage de sicaire pédéraste, traité avec une homophobie explicite[2], au chef de l’organisation, albinos ex-nazi et aveugle, vivant dans le noir. Par ailleurs, s’ajoutent à cette galerie une black toute droit sortie d’un film de la Blaxploitation et jouée par Vonetta McGee et un insupportable entraineur, horriblement vulgaire, campé par George Kennedy, qui donnait déjà la réplique à Clint Eastwood dans Le Canardeur (1975) .
L’originalité de La Sanction réside en fait dans la dernière demi-heure, située dans le grand froid de l’Eiger et véritable préfiguration de Cliffhanger (1993, Renny Harlin). Le fait que Clint Eastwood, alors en pleine période « facho », s’intéresse alors à la montagne invite à dresser des parallèles inattendus avec l’engouement des Nazis pour les films de montagne… Le thriller de montagne intrigue et bénéficie d’images impressionnantes : plans en hélicoptères, décors grandioses et cascades réellement effectuées par les comédiens. 


A cause d’un scénario bidon et d’une interprétation douteuse, La Sanction a des airs de film du dimanche soir : jamais clairement nul mais toujours médiocre.

10.07.12.



[1] Firefox représente également cette tentation, pour Clint Eastwood, du film d’espionnage. Les deux films prennent d’ailleurs un même point de départ : un héros jadis à la solde du gouvernement qui a pris sa retraite mais rempile quand le devoir l’appelle.
[2] Dans son film suivant, L’Inspecteur ne renonce jamais, Clint Eastwood éliminera le méchant en s’exclamant « Fruit ! » (c’est-à-dire « pédé ») !