samedi 25 août 2012

To Rome with Love (2012) de Woody Allen

 
           Après l'Angleterre (Match Point, Scoop, Le rêve de Cassandre), l'Espagne (Vicky Cristina Barcelona) et la France (Minuit à Paris), Woody Allen continue son périple européen et plante sa caméra sous le soleil d'Italie. To Rome with Love met en scène quatre sketchs dont le seul point commun semble être que l'action est située à Rome.
 
 
            Dans la première histoire, on suit la rencontre entre un vieux couple d'américains qui débarque à Rome pour rencontrer leur future belle famille, italienne. Comme les beaux-parents de Midnight in Paris qui ne voyaient de la capitale que le Bristol, le ménage de touristes est pour Allen un prétexte pour moquer le comportement des américains à l'étranger: l’ethnocentrisme évident, la peur irréductible du communisme, la recherche systématique du profit. La mère, une Judy Davis aux allures de Diane Keaton, est psychiatre, le père, interprété par Woody Allen (de retour à l’écran  pour la première fois depuis Scoop), est une parodie d'intellectuel new-yorkais: il s'agit d'un metteur en scène d'opéras avant-gardiste, réputé pour une version du Rigoletto où les comédiens sont déguisés en souris blanches. Le temps passe mais Woody Allen joue son personnage de toujours: ronchon, lâche, famélique, bourré de mimiques....
            Lorsqu'il découvre que son beau-père chante merveilleusement bien sous la douche, Allen lui propose de passer une audition. Intimidé par le public, l'homme à la voix de baryton échoue. Pour pallier à sa timidité, Allen trouve une parade: l'italien devra toujours chanter sous sa douche. Le burlesque de la situation est poussé jusqu'au bout ! Ce sketch est de toute évidence le plus  en accord avec l’esprit "allenien" des années 60-70, quand le cinéaste se posait en héritier de Groucho Marx.
 
            Le second sketch décrit les tourments amoureux d'un jeune américain étudiant à Rome qui devient attiré par la copine de sa petite amie. Cette partie fait penser aux récents films d'Allen où le cinéaste essaye d’insuffler une bouffée d'air frais dans son cinéma avec des acteurs jeunes et sexys. Ainsi, à côté de Jesse Eisenberg, le Mark Zuckerberg du Social Network, Ella Page, alias Miss Juno, joue une actrice délurée qui attend le rôle de sa vie. Un jour, le candide étudiant rencontre un architecte interprété par Alec Baldwin, un sage au regard fatigué, un fin connaisseur des ficelles du jeu amoureux. Dès lors, les scènes de romance sont interrompues par les discussions fictives du jeune homme avec le fantôme de l'homme aguerri en amour. On peut y voir une poursuite du dialogue maitre-élève, à la limite du fantastique, de Play It Again, Sam ? (1972). Bien écrit et interprété, ce sketch séduit dans l'ensemble.
 
            Dans un troisième sketch, Roberto Benigni joue un quidam qui devient sans aucune raison une star du jour au lendemain[1]. Allen critique la super médiatisation de notre société où des personnes deviennent célèbres sans que l'on sache vraiment pourquoi. On leur demande leur avis sur tout, même sur des choses bénignes et la gloire, éphémère, peut s'effondrer en un instant. D'abord agacé par ce jeu absurde, le personnage finit par regretter ses anciens privilèges, une fois sa célébrité dépassée. Ce sketch sur les dérives de la notoriété, thématique déjà abordée par le cinéaste dans Celebrity (1998), trouve tout à fait sa place dans l'humour absurde allenien.
 
            Le quatrième sketch semble être le seul qui justifie le cadre italien. Dans cette péripétie, un couple d'italiens se perd dans Rome: le jeune marié fait passer une prostituée pour sa femme devant sa famille; son épouse finit dans le lit d'un acteur de cinéma mais couche avec un voleur qui voulait dévaliser la vedette. Quiproquos et théâtre de vaudeville avec amants  cachés dans les placards: le sketch semble héritier de la commedia dell'arte.
 
            Les sketchs ne se recoupent donc pas, tant dans les récits que dans leurs sujets. Peut-être que Allen a voulu recréer l'esprit de l'âge d'or des films à sketchs dans le cinéma italien des années 60 ? Toujours, est-il que de cette confusion (profusion ?) découle un regrettable manque d’unité. A ce  défaut majeur s'ajoute une vision de Rome, aussi cliché que l’était celle de Paris dans l'avant dernier film de Woody Allen. Le film s'appelle tout de même To Rome with Love, s'ouvre avec Volare en bande sonore et nous montre la ville touristique que tout le monde connait: le Colisée, le monument de Victor Emmanuel II, la fontaine de Trevi, la place d'Espagne... Rome n'est rien d'autre qu'un cadre romantique, un paysage pour les badinages que nous propose Allen.
 
 
            To Rome with Love ressemble beaucoup aux autres derniers films du new-yorkais binoclard: dans deux sketchs, des touristes américains se perdent et marivaudent dans une Europe de carte postale comme dans Vicky Cristina Barcelona ou Minuit à Paris. Le film est sympathique mais le spectateur assidu des rites alleniens a vraiment l'impression de tourner en rond. New-yorkais qui a atteint l’universalité en croquant une communauté spécifique, Woody Allen est devenu le directeur d’un cirque ambulant, actuellement en tournée en Europe. Prochaine étape ?
 
14.08.2012.
 
 


[1] Ce sujet est strictement le même que Superstar de Xavier Giannoli avec Kad Merad, qui sort bientôt sur nos écrans.